Intervention du Dr Matthieu Bereau CHU de BESANCON LORS DE L’AG DU 30/04/2016

La SEP est un domaine qui bouge pas mal. Je le constate lors de mes déplacements.

Je rentre par exemple d’un congrès de neurologie à Vancouver aux USA.

Mon intervention s’articulera autour de 3 thèmes et un conseil

 

– Comment s’organise la prise en charge de la SEP sur la Franche-Comté et la future Bourgogne-Franche-Comté.

– Les nouveaux traitements – surtout dans les formes progressives

– Le Sativex* : un traitement très réclamé….

– SEP et activités physiques.

I. ORGANISATION DE LA PRISE EN CHARGE DE LA SEP DANS NOTRE REGION

Tout d’abord, le CHU de Besançon entretient des relations fortes avec les autres CHU de la région Grand Est ; en effet il y a des réunions hebdomadaires avec télémédecine et visioconférence pour discuter des dossiers de certains patients particuliers au niveau diagnostic et thérapeutique. Ainsi il y a une décision collégiale, ce qui permet une harmonisation des prises en charges et l’assurance de la meilleure prise en charge possible.

Cela existe depuis plus d’un an avec Bourgogne, Alsace-Lorraine et Champagne-Ardennes.

Finalement on constate que l’on a tous les mêmes questions et… les mêmes réponses !

Pour les cas difficiles, ce partage est particulièrement intéressant et confortant.

Les plans de santé.

Le PMND : Plan Maladies NeuroDégératives, est un plan qui a permis un accès égal à tous les patients sur l’ensemble du territoire. Ce plan au début dédié à la maladie d’alzheimer est étendu à d’autres maladies dont la SEP : bien qu’elle soit une maladie inflammatoire auto-immune, elle trouve sa place maintenant dans ce plan.

Ce plan permet de faire avancer les choses au niveau prise en charge et recherche.

Il a été écrit un cahier des charges pour un Centre expert de la SEP, qui s’occupe aussi bien du médical (diagnostic, moyens, résultats) que du médico-social.

Fin juin, il y aura un rendu avec des décisions pour améliorer la qualité des soins.

L’observatoire français de la SEP : l’OFSEP.

La France est le pays européen le plus investi de la SEP.

L’équipe lyonnaise a créé une banque qui a recueilli des données de patients ; cela permet un suivi individuel des patients mais aussi le suivi d’une cohorte de patients, ce qui donne des indications très intéressante sur l’évolution et la prise en charge de la maladie.

Cette base s’est diffusée dans toute la France.

Elle comprend

–     l’ensemble de la maladie du patient et de sa thérapeutique

–     l’évolution des traitements testés et donc une source impartiale sur l’amélioration apportée par ces traitements

–     une source sure avec des données de qualités à présenter pour obtenir des financement pour les Centres Experts (ex suivi de 14 000 patients en Franche-Comté avec forme de la maladie, traitement, évolution en fonction du traitement).

Le maillage se fait peu à peu, à travers tous les professionnels hospitaliers mais aussi les neurologues de ville.

Vous voyez que nous voulons construire l’avenir et rester au top en Franche-Comté.


II. NOUVEAUTE DANS LES TRAITEMENTS DE FOND DE LA SEP .

La SEP est une maladie avec inflammation focale et multifocale qui se manifeste par les poussées et les plaques visibles à l’IRM (qui rendent compte des gaines attaquées par les cellules auto immunes).

Mais il y a aussi une composante neurodégénérative qui rend compte de la souffrance du nerf.

Il faut faire la part entre les 2 phénomènes.

En effet, dans les formes rémittentes (avec poussées) ou les formes progressives, il y a bien les 2 phénomènes mais avec un peu plus de l’un ou de l’autre.

Les premiers traitements connus agissent sur l’inflammation (qui se manifeste par les poussées et l’apparition des plaques).

Les nouveaux traitements cherchent plutôt une activité sur la neurodégénerescence.

– Souvenez-vous au début le traitement était la cortisone, qui agissait que sur l’inflammation.

– Puis on a vu arriver les interférons (ex la copaxone)…

– Ces 10 dernières années ont vu le jour les anticorps monoclonaux Fingolimod (Gilenya*) et Natalizumab (Tysabri*). Ces 2 molécules permettent une diminution des poussées, du handicap résiduel et de l’apparition de nouvelles plaques.

– Aujourd’hui, il y a aussi les nouveaux médicaments par voie orale : le diméthyl fumarate (Tecfidura*)et le tériflunomide (Aubagio*). Leur tolérance et leur efficacité sont conforme à ce qui était prévu. On a pu le constater grâce aux données de la base !

D’autres traitements sont à l’étude :

–     rituximab : actif sur les formes rémittentes mais aussi transitionnelles (avant les formes secondaires)

–     des anticorps monoclonaux : daclizumab

Aujourd’hui il y a aussi une grosse dynamique sur les traitements anti-inflammatoires. Ils sont de plus en plus forts et limitent les poussées, les plaques et le handicap résiduel. (On rejoint ici les traitements de la rhumatologie).

Par contre avec les anticorps monoclonaux il y a des risques : le tecfidera et le fingolimod entraînent une diminution des globules blancs (ceux qui viennent attaquer le cerveau et la moelle dans la SEP)… cela peut permettre à des infections de se développer : c’est pourquoi il faut bien évaluer ces traitements.

Finalement, il y a beaucoup de traitements… mais attention ! Vigilance !

Surveillance indispensable par prise de sang et IRM…

Le grand débat actuel : y a-t-il un lien entre l’inflammation et la dégénérescence ?

On constate que si on contrôle l’inflammation il y a un impact sur la survenue ultérieure du handicap et l’évolution vers une forme progressive das le 15-25 ans.

Il est important de maîtriser le plus tôt possible l’inflammation.

On a donc tendance à traiter vite et fort !

Il faudra du recul pour juger cette stratégie.

Dans le cas des formes progressives, on a deux situations :

– les formes d’emblée progressives dites primaires. Ce sont des SEP qui débutent sur le tard.

Les formes d’évolution secondaires qui limitent le périmètre de marche peu à peu.

Longtemps on est resté sans traitement pour ces formes.

On a tenté les immunosuppresseurs : cyclophosphamide (Endoxan*), Cellsept*….

Mais leur efficacité semble limitée… Il faut continuer les recherches, mais cela coûte cher… d’où l’intérêt des banques de données constituées par les neurologues (… qui sont des données gratuites!)

On teste la Biotinedans une étude clinique française.

Le traitement agit sur le métabolisme impliqué dans les phénomènes de dégénérescence… Il s’agit donc d’une nouvelle piste de traitement que les anti-inflammatoires (AI)! Enfin !

Une étude pilote est en essai phase 2 (donc chez des patients malades dans des formes progressives Iaires et IIaires). On traite une moitié avec la biotine et l’autre avec un placebo. On fait pour chacun l’EDSS (score du handicap résiduel). L’aggravation de ce score est moins forte chez les patients traités à la biotine, de façon significative.

Si on évalue sur les 2 sous-groupes, on constate que l’effet est un peu meilleur chez les formes secondairement progressives que dans les primaires.

C’est une piste intéressante, mais ce n’est pas un traitement de fond, seulement un traitement symptomatique (comme le Fampyra*).

Cependant, comme ce traitement fonctionne mieux sur les formes secondairement progressives, il faut quand même être sur que l’on n’agit pas sur la composante inflammatoire de la maladie ? (si cela agissait sur les formes primaires, qui sont non inflammatoires, on serait sur de l’action uniquement sur la neurodégégescence).

Cette étude encourageante est à confirmer par d’autres essais en cours et à approfondir par de la recherche fondamentale.

On a d’autres armes thérapeutiques aussi en dehors des AI : la re-myélinisation par voie métabolique. C’est en cours d’exploration.

Cela ouvre la voie à des développement thérapeutiques futurs avec recherche fondamentale, essais cliniques grâce à de vrais moyens financiers !

Autre molécule en test : l’ocrelizumab qui est un anticorps antimonoclonal.

Il est proche du rituximab.

2 études sont en cours aux USA, contre un interféron.

Les 1ers résultats semblent montrer une réduction du handicap sur les formes secondairement progressives… (même réserve sur une action anti-inflammatoire possible ???)

Mais ces médicaments ne sont pas sur le marché… ils doivent prouver leur activité et… ils seront très chers…

Comment gérer un malade en phase transitionnelle ?

On peut arrêter les médicaments AI et donner du natalizumab (Tysabri*), ou du fingolimod (Gilenya*) . Et on agit en fonction de l’évolution du handicap (le handicap ne s’aggrave pas, OK ; le handicap s’aggrave, on reprend le traitement AI)

Le Lemtrada* est un médicament de 3ème ligne.

On le donne si les traitements de 2ème ligne (ci-dessus) ne fonctionnent pas.

Il permet de canaliser l’inflammation là où le Tysabri* ne donne pas satisfaction.

Mais attention ! Il peut apparaître des effets IIaires au bout de 2 à 3 ans.

Il faut donc un contrôle de la tolérance par suivi clinique, prise de sang et IRM.

III. UTILISATION DU SATIVEX

Je veux faire un point sur l’utilisation de ce produit très demandé par les patients !

En France en 2016, aucun neurologue ne peut le prescrire car le bénéfice intérêt/prix apporté par cette molécule est jugé trop modeste par la Haute Autorité de Santé.

L’indication de cette molécule n’est PAS LA DOULEUR ! C’EST LA SPASTICITE !

Après échec du traitement de référence le Baclofène (Lioresal*).

Une adhérente prend la parole pour apporter son témoignage :

« nous avons fait un essai de ce médicament en respectant strictement le protocole jusqu’à 8 doses par jour. Mais nous avons arrêté car le bénéfice sur les contractures a été très limité. Par contre les effets secondaires étaient très gênants : troubles cognitifs importants ; mon mari était complètement perdu, désorienté ! »

Le Dr Bereau confirme : le Sativex n’apporte des effets satisfaisants que

dans 10 à 20 % des cas.

C’est comme pour le Famfira* : il semble qu’il y ait de bons et de mauvais répondeurs…

QUESTIONS-REPONSES

Le fampira* a-t-il aussi des effets secondaires à type troubles cognitifs ?

R. : Ce médicament est utilisable par voie orale ou injectable. Il améliore certains patients, surtout au niveau de la vitesse de la marche (action au niveau de la pensée et de la mise en action). Mais il n’empêche pas l’évolution de la maladie…

Il faut réévaluer la prise de ce produit (bénéfice/effets IIaires types troubles cognitifs) en arrêtant parfois le traitement et l’on voit si la marche est affectée ou pas.

Le fingolimod (Gilenya*) lui ne s’arrête pas brutalement car il a un effet sur le coeur !

J’ai testé le traitement par voie orale et cela n’a pas marché du tout ?

J’ai du reprendre la copaxone dans l’étude Confidence.

R.: le tecfidera diminue les poussées de 50% là où l’Avonex* agit dans 30% des cas.

Mais effectivement parfois cela ne fonctionne pas : soit les poussées ré-apparaissent, soit les effets IIaires obligent à arrêter le traitement.

On teste un nouveau protocole d’initiation différent de celui proposé au départ parle fabricant et qui permet une meilleure tolérance.

Aubagio* n’est pas toujours bien toléré non plus.

Il y a aussi de nouveaux protocoles proposés pour Copaxone* et Plegridy* (un nouvel interféron qui a reçu son AMM) : c’est l »étude « confidence ». Ils ont plus dosés et mais les effets secondaires au niveau des infections sont moindres.

On travaille aussi sur de nouvelles molécules : les marqueurs de l’épigénèse (ce sont des traitements qui ont débuté en oncologie).

Y a-t-il des traitements alternatifs à la douleur ?

R. : la réponse est difficile car il y a beaucoup de manière d’avoir mal.

– douleur neurogène : elle passe par les voies de la sensibilité, les nerfs atteints par la maladie. Elle se manifeste comme une pression, un étau. Un simple effleurement de la peau peut être le déclencheur.

Dans ce cas on traite avec des antiépileptiques comme le Lyrica* ou le Laroxyl*

Si cela ne marche pas, il y a les traitements antidouleur classiques, ou les patchs à la lidocaïne…

– douleur à type de spasticité : il faut d’abord être évalué par un médecin rééducateur. Après on essaye les traitements antidouleur classiques, les traitements antiépileptiques (comme le baclofène), les traitements symptomatiques (Fampyra* ou Sativex*) ou encore le traitement avec la toxine botulique qui n’est utilisé que pour des douleurs localisées.

Quid des cellules souches ?

R. : les cellules souches sont des cellules jeunes non encore différenciées, utilisées pour régénérer les neurones. En effet, spontanément, les neurones atteints ne se régénèrent pas, ce sont les autres neurones qui se développent autour du neurone défaillant pour prendre le relai.

L’idée d’utiliser ces cellules souches est géniale mais on est loin de maîtriser les techniques qui font que la cellule ira au bon endroit, qu’elle se fixera, se différenciera en neurone ete fabriquera de la myéline !

Nous sommes en étude de phase 1 (c’est à dire juste pour voir si la technique n’est pas dangereuse pour les patients, et non pas pour les soigner).

On a pu montrer que la technique est supportable par l’être humain… mais il y a encore un long chemin à faire !

Par contre cela fonctionne déjà pour les cancers du sang.

ACTIVITE SPORTIVES ET SEP

Si on ne fait pas de sport, on perd ses muscles ! Même si on fait de la kiné régulièrement !

Donc OUI IL FAUT PRATIQUER DES ACTIVITES PHYSIQUE ET SPORTIVES.

C’est fondamental ! Et ce n’est pas seulement bon pour le physique !

C’est bon pour le moral aussi !

Si les patients vont bien, qu’ils ne sont pas trop gênés par dans leur vie , une activité physique et sportive suffit.

Par contre, rien ne remplace la kiné pour l’entretien et la récupération quand il y a gêne.

On peut faire beaucoup de chose ! Même en fauteuil roulant !

Par contre ATTENTION ! CHOISIR LE LIEU, LE CADRE OU ON PRATIQUE.

Il faut un niveau homogène, des personnes compétentes, par ex un club handisport.

Mais se mélanger avec d’autres personnes, avec d’autres handicaps ou sans handicap fait du bien aussi !

Fin de l’intervention du Dr Bereau. CHU Besançon, service neurologie.

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